Cinéma > Harvey Milk, de Gus Van Sant

Publié le par Les Cactus, qui s'y frotte critique.



MinusCactus

Harvey Milk est un politicien bien connu des citoyens américains. Il fait en effet parti du mouvement gay et est à l’origine d’un combat pour la sauvegarde de leurs droits. Le film est sorti aux Etats Unis pour l’anniversaire des 30 ans de la mort de Milk.

 

La prestation de Sean Penn est magnifique, il se transforme sous nos yeux ébahis afin d’incarner entièrement ce politicien gay. Il prête attention aux moindres détails, allant des mimiques, à la démarche. Il est plus vrai que nature. On ne peut s’empêcher de frissonner à chaque fois qu’il prend la parole devant une foule.

Le film laisse une grande place aux seconds-rôles, ce qu’on ne peut qu’apprécier. On s’attache rapidement et avec facilité à Emile Hirsch malgré ses horribles lunettes et à James Franco qui se révèle toujours aussi charismatique. Dans ce film, aucune personnalité n’est parfaitement monochrome. Le personnage de Dan White est merveilleusement complexe, le spectateur peine à le cerner mais cela ne fait que le rendre plus humain, plus véridique. Une exception pour Anita et Biggs, qui sont peut-être finalement les vrais méchants du film, mais qui passent pour deux idiots intégristes. Le fait que ce film relate une histoire vraie nous pousse à voir d’un autre œil ces deux personnages. Leurs propos et leur existence même choquent notre sensibilité toute européenne.

Je tiens à mettre l’accent sur une scène particulière qui m’a fascinée. Vers le début du film, je crois, on découvre le corps d’un homosexuel du Castro. GVS nous montre cet évènement par l’intermédiaire de son reflet dans un sifflet, sifflet qui servait à appeler à l’aide en cas d’agression. L’image floue qui en résulte, le sifflet qui, de par sa taille alors, n’en est plus vraiment un… On ne sait plus vraiment ce que l’on voit. Néanmoins, cette scène constitue, pour moi, le tournant du film. J’ai aimé cette façon détournée de nous montrer la scène de crime. Ainsi, la victime n’est pas individuée, GVS nous pousse à ne considérer que l’évènement en lui-même. On constate vite qu’il est entièrement maître de son film.

Voilà donc un film captivant, éducateur, intelligent.

 
Devant ce film, j'ai aimé grignoter : des sucettes au citron pour le petit goût amer-acide que l'on savoure tout de même.
Je l'ai vu avec : Mes potes (MémoCactus et son copain).
Mon état d'esprit en sortant de la salle : "Mais c'est horrible! Pourquoi en France on sait pas tout ça ??!!"


MémoCactus - Un nuage de Milk >>>

 

                Avant toute chose, incroyable mais vrai, James Franco porte très bien la moustache-version-années-70. Le fait est assez extraordinaire pour être souligné.

Mais parlons un peu de cinéma… Soyons honnête, le principal atout du dernier GVS est sans conteste la performance du virtuose de la réplique, j’ai nommé Sean Penn, qui n’a pas volé son oscar. Moi qui ne l’avais vu qu’en sombre taciturne (La dernière marche, L’interprète, 21 Grammes, Mystic River…), je suis ravie de le découvrir capable de légèreté grâce à son interprétation de ce politicien gay et fier de l’être. Les seconds rôles ne sont pas en reste : le fils du Bouffon Vert (pardon de ne le connaitre que comme ça) est tout à fait crédible en gay à la fois viril et sensible. Impossible de ne pas parler d’Emile Hirsch, délicieux dans son numéro de minet homosexuel plein d’énergie combattive. Tous sont bons, et tous ont de l’importance, ce qui rend bien cette idée de communauté soudée, active, assoiffée de justice et de tolérance : les hétéros se sentiront presque seuls en sortant de la salle…

La mise en scène est juste sans être follement originale, le propos le veut. On nous sert ici un morceau de l’Histoire, et l’Histoire c’est sérieux les enfants. Les images d’archives trouvent d’ailleurs leur place de manière naturelle et futée, pas de ruptures inopinées entre « fiction » et réalité.

Si je devais parler d’une scène en particulier, ce serait celle de la rencontre entre Harvey et Scott (son grand amour) : ils se croisent dans un couloir de métro, entre deux volées de marches, et ne se quitteront plus pendant une dizaine d’années. Ça se passe très vite, très naturellement, comme s’ils s’étaient donné rendez-vous avant même de se connaitre, et j’ai aimé ce qu’ont fait les acteurs de ce moment : Sean Penn en charmeur (presque) quarantenaire, James Franco en désinvolte mastiqueur de chewing-gum de quinze ans de moins que le premier, font mouche...

Devant ce film j'ai aimé grignoter : un carambar à la fraise.
Je l'ai vu avec : MinusCactus et mon boyfriend qui, malgré son état de fatigue a vaillament gardé les yeux ouverts du début à la fin (et il ne le regrette pas !)
Mon état d'esprit en sortant de la salle : heureuse d'avoir appris des choses sur l'histoire homosexuelle et curieuse de savoir quand la moustache reviendra à la mode chez les jeunes ;)




* StarCactus *

          A mon avis, le premier sentiment qui nous frappe en assistant à la projection de Harvey Milk est celui de la légèreté, une grande légèreté dans un film qui aborde pourtant deux thèmes graves : les droits de l’homme et l’assassinat du héros. L’humour est omniprésent, qu’il s’agisse de l’humour des personnages, à la fois spontané et sincère, et l’absence de mélodrame. Gus Van Sant a choisit d’écarter les crises de larmes et la théâtralité au profit de la simplicité des mots, énoncés lentement, comme au hasard, par les personnages. Mais Harvey Milk, qui était un grand amateur d’opéra, vit ces scènes sur fond d’oratorios qui font exploser les sentiments. Tout le monde connaît la fin dès le début du film : Harvey va mourir. Mais au fil de son histoire et de ses combats, on en vient à sourire très naturellement, et ce même après le drame final. Grâce au jeu réussi de Sean Penn, qui mérite amplement son oscar, la mort du héros ne nous afflige pas tant qu’elle nous émeut : là aussi, la simplicité est de mise.

          Les deux heures du films passent à toute vitesse, dans des enchainements très travaillés entre ce qui a été filmé en 2008 et les reportages des années 1970. D’ailleurs, c’est une excellente idée d’avoir su mélanger ces deux sources : outre l’ambiance générale, qui s’en trouve sublimée par un ancrage dans le réel de cette époque, le film exhale des relents dérangeant de vérité dans la violence avec laquelle les homosexuels étaient considérés. Des mots comme « déviants sexuels irrécupérables » ou « pédophiles » nous heurtent à un point que l’on aurait sans doute pas imaginé. Etre confronté à une violence que l’on savait réelle mais à laquelle on n’a pas assisté est très perturbant. J’avais délibérément évité de faire des recherches sur le personnage de Harvey avant d’aller voir ce film, mais force est de constater après coup que son histoire a été respectée d’un bout à l’autre, grâce notamment à ses amis qui ont été consultants lors du tournage. Mais, là aussi, il faut rendre hommage aux acteurs, qui débordent de naturel et de sincérité (James Franco est une autre raison de courir voir ce film !).

          Une légère déception, cependant : Hollywood a pris le parti de montrer l’homosexuel dans ses clichés. Attention, il n’y a pas forcément de mal, puisque les homosexuels de ce film cherchent à affirmer leur personnalité, et donc à créer des clichés. Mais on pourrait regretter le peu de variété que Gus Van Sant nous présente dans les différentes figures de l’homosexuel. Il nous en livre quelques unes, mais qui se révèlent finalement assez ressemblantes, un peu trop lisses sur les bords. Par exemple, à un moment, Cleve Jones (joué par le brillant Emile Hirsch) lance un appel à la manifestation par téléphone : le spectateur assiste à la diffusion de l’information sur une mosaïque de type Warhol où toutes les personnes qui parlent sont…des hommes ! Loin de moi l’idée de parler de « sous-représentation » de la femme homosexuelle (plusieurs figurantes dans les manifestations jouent ce rôle), mais quand même...

          Ce film est décidément à voir, que l’histoire des droits des homosexuels vous touche ou non : Gus Van Sant a su rendre le message de Harvey Milk universel, consacré à toutes les minorités. Etonnamment, la salle où j’ai assisté à sa projection était comble. Il y avait des enfants, des séniors, des jeunes, des adultes, des femmes et des hommes de toutes couleurs, ce qui vaut bien un nouveau sourire à l’idée de voir ce que des hommes comme Harvey Milk ont pu accomplir. Sans des militants comme lui, certains ne pourraient pas vivre libre. On m’a dit que le thème était le même que celui du film Philadelphia, avec Tom Hanks. Mais ce n’est pas vrai à mon sens : dans Philadelphia, le héros se bat pour faire reconnaître qu’il a été renvoyé à cause de son homosexualité et du SIDA, c’est-à-dire qu’il évolue à une époque où les homosexuels avaient acquis leur droits. Dans Harvey Milk, on assiste à la construction de ceux-ci, quand certains déclaraient qu’en donner aux gays revenait à en accorder « aux pédophiles, aux prostitués, aux voleurs » (Anita Bryant, au bûcher !). Le thème de Philadelphia a été ici étiré dans sa profondeur, mais aussi dans sa réalité : n’oublions pas que cet homme a été vraiment assassiné pour ce qu’il était, après de nombreuses menaces, faisant de lui un vrai héros. L’hommage est réel, pour celui qui déclarait "If a bullet should enter my brain, let that bullet destroy every closet door" ("Si une balle devait traverser mon cervau, laissez là détruire toutes les portes closes des placards").
          Harvey Milk est une apologie de la vérité, un pamphlet contre la discrimination, qui résonne en France dans un contexte
 d'autant plus propice : alors que les homosexuels ne peuvent plus donner leur sang (car considérés comme « groupe à risque », exactement comme les prostitués) et que les beaux-parents se sont vus refuser un statut légal vis-à-vis d’un enfant, uniquement pour éviter d’ouvrir la voie à la légitimation de l’homoparentalité, on constate que son combat n’est pas encore terminé.


Devant ce film, j'ai aimé grignoter : des M&M's (sucrés, colorés, classiques, réconfortants)
Je l'ai vu avec : mon boyfriend
Mon état d'esprit en sortant de la salle : empreint de gratitude et plein d'une ardeur à continuer une oeuvre aussi belle

Publié dans Cinéma

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Merci de vos commentaires mesdemoiselles :) ça fait plaisir de se savoir lu !
Répondre
A
C'est sympa ce genre d'articles, ça permet de comparer les avis... et les goûts de chacun ! :)
Répondre
J
Hey!<br /> Comme je te l'ai dis tout à l'heure: "Super critique StarCactus!" J'ai juste oublié de te demander ce que tu avais pensé de notre ancien héros d'Into the wild. Il parait que la métamorphose est aussi grande que celle de Sean Penn!<br /> A demain! Bzou!
Répondre